Tiré du rapport : Bentayeb, Naïma, Jérémy Boisvert-Viens et Dorian Mouketou (2022). Composantes clés et conditions de succès de mise en œuvre et d’efficacité des réseaux de services intégrés pour les jeunes de 12 à 25 ans. Rapport d’évaluation des technologies et des modes d’intervention en santé et services sociaux (ETMISSS). CIUSSS du Centre-Ouest-de-L’Île-de-Montréal.
Texte vulgarisé par : Brigitte Pilote, rédactrice
Compte tenu des expériences concluantes réalisées dans plusieurs pays, les réseaux de services intégrés jeunesse (RSIJ) sont considérés comme un modèle prometteur pour solutionner les problèmes qui découlent de la façon traditionnelle d’offrir des services sociaux et en santé mentale et globale aux 12-25 ans. On peut penser à la disparité de l’offre sur le territoire, aux délais d’attente pour l’obtention d’un premier rendez-vous, à la crainte qu’ont les jeunes d’être stigmatisés, ainsi qu’à leur taux élevé de désengagement au cours de leur trajectoire d’usager, particulièrement lors de la transition vers les services pour adultes.
L’évaluation des technologies et des modes d’intervention en santé et services sociaux (ETMISSS), commandée par la Direction des programmes Santé mentale et Dépendance du CIUSSS du Centre-Ouest-de-L’Île-de-Montréal, avait pour objectif de contribuer à la réflexion au sujet de l’implantation des RSIJ. Elle visait à identifier les conditions favorisant le succès d’un RSIJ et les obstacles à sa mise en œuvre, ainsi qu’à documenter son efficacité. Elle cherchait également à évaluer si un RSIJ représentait un modèle de prestation de services bien adapté aux besoins des jeunes de la diversité ethnoculturelle, raciale ou linguistique.
L’ETMISSS a recensé dans cinq pays (France, République d’Irlande, Australie, Nouvelle-Zélande et Canada) les initiatives de RSIJ qui apportaient les réponses les plus intéressantes aux questions d’évaluation ciblées. Une consultation menée auprès de jeunes et d’intervenant.e.s jeunesse a enrichi cette revue de littérature, en permettant d’ancrer la problématique dans un contexte québécois. Les commentaires recueillis ont contribué à la formulation des recommandations.
L’une des questions auxquelles cette ETMISSS espérait pouvoir répondre portait sur l’efficacité des réseaux de services intégrés pour améliorer l’état de santé et le bien-être des jeunes, ainsi que leur trajectoire de services.
D’entrée de jeu, soulignons que malgré la diversité des études analysées et le soin avec lequel elles ont été sélectionnées, l’ETMISSS n’a pas permis d’établir un lien causal entre le mode de prestation de services, soit le RSIJ, et l’amélioration de la santé et du bien-être des jeunes qui a pu être observée.
Plusieurs facteurs expliquent cette situation, notamment le fait qu’il n’existe pas de modèle intégré universel et que la plupart des études ne portent que sur certains aspects des RSIJ. De plus, les jeunes reçoivent des soins et services dans plusieurs lieux physiques, ce qui complexifie encore la collecte et l’interprétation des données. Voilà pourquoi l’une des recommandations issues de cette ETMISSS préconise de porter une attention particulière à la qualité des données clinico-administratives collectées, afin que l’évaluation de l’efficacité des RSIJ soit possible, dans une perspective d’amélioration continue des services.
L’ETMISSS conclut cependant que les RSIJ ont contribué à l’amélioration de la santé et du bien-être des jeunes. Par exemple, la mise en place d’un RSIJ entraîne généralement une hausse significative de l’utilisation des services en santé mentale.
Les données sur les profils des usagers révèlent par ailleurs que les RSIJ seraient en mesure de rejoindre plus efficacement ceux qui fréquentent moins les services traditionnels : les jeunes s’identifiant à un groupe LGBTQAI+, les individus de genre masculin, les jeunes n’étant pas scolarisés ni sur le marché du travail, de même que les 15-20 ans, un groupe d’âge pour lequel les RSIJ se révèlent particulièrement efficaces. Ce mode de prestation faciliterait l’accès aux services pour les populations éloignées des grands centres et les jeunes plus isolés socialement (en situation d’itinérance ou d’instabilité résidentielle, ayant quitté l’école et ne travaillant pas). Précisons ici que la mesure de l’efficacité des RSIJ pour les jeunes de la diversité culturelle reste un angle mort de la recherche internationale sur le sujet et qu’il conviendrait d’y consacrer une attention spéciale en contexte québécois.
Bien que les RSIJ offrent une large gamme de services (santé globale, dépendance, employabilité), les études évaluant les effets bénéfiques des services sur les usagers s’attardent plus particulièrement à la santé mentale. Elles témoignent de l’efficacité des RSIJ à diminuer la détresse psychologique des jeunes, à améliorer leur fonctionnement social et la qualité de leur engagement dans leurs occupations. Par exemple, après une intervention, les jeunes connaissent moins d’épisodes dépressifs, ont moins d’idées suicidaires et se disent mieux outillés pour agir en cas de problèmes liés à leur santé mentale.
L’ETMISSS a permis d’identifier neuf composantes clés. Elles regroupent les facteurs qui, par-delà les différences locales, sont essentiels à la réussite de l’intégration des services sociaux et de santé destinés aux jeunes. Ces composantes couvrent tous les aspects de la mise en œuvre d’un RSIJ, depuis l’accessibilité aux services et l’aménagement des espaces d’accueil, en passant par l’amélioration de l’expérience des usagers au fil du continuum des services offerts, incluant la participation des familles et des proches, sans oublier la collaboration des différents partenaires et la gouvernance.
Ces neuf composantes, ainsi que les recommandations qui les accompagnent, ont pour objectif de soutenir les gestionnaires dans leur planification et leur prise de décisions, dès l’implantation du RSIJ et au cours de ses activités, afin qu’il puisse réaliser son plein potentiel.
Assurer une offre diversifiée de services au même endroit (santé physique, sexuelle et mentale, ressources en dépendance et en employabilité) facilite l’accès des jeunes aux soins. Ce modèle favorise la création de liens de confiance avec une équipe stable et l’engagement du jeune tout au long de sa trajectoire d’usager. Le point de service unique permet également une collaboration interdisciplinaire plus efficace au sein de l’équipe du RSIJ.
Un modèle de RSIJ centré sur le jeune et ses besoins élimine le plus possible les barrières à l’accès (temps d’attente, coûts, horaires), en offrant des services flexibles et adaptés à sa réalité, y compris son contexte ethnoculturel.
Les RSIJ doivent se doter d’une image de marque forte et se faire connaître là où les jeunes se trouvent et s’informent. Cette proactivité, qui permet de rejoindre l’ensemble des jeunes, avant même l’apparition des problèmes, répond aux objectifs de prévention et d’intervention précoce.
Dès l’implantation d’un RSIJ, une collaboration continue avec les partenaires externes (organismes communautaires, écoles, service de police) permet de couvrir tous les besoins des jeunes, en leur offrant une gamme de services pertinents et adaptés à leur réalité.
Il convient d’organiser la prestation de manière à assurer la continuité des services auprès des jeunes, d’un service à l’autre et jusqu’à la transition vers les services pour adultes.
La participation des jeunes à la création du RSIJ et aux décisions concernant leurs soins et services représente la pierre angulaire de cette approche innovante en santé. Les familles et les proches, acteurs importants du succès des interventions, doivent également être consultés et mobilisés.
Un RSIJ doit pouvoir miser sur une gouvernance collaborative, axée sur la prise de décisions par consensus de tous les partenaires.
Les RSIJ remplissent leurs promesses s’ils peuvent bénéficier d’un financement adéquat et récurrent, qui permet la planification et le développement des services, la rétention du personnel, ainsi que le maintien de la collaboration avec les partenaires. De plus, pour refléter la véritable valeur des activités, même les moins visibles, la reddition de compte doit porter sur l’ensemble des activités complexes qui sont nécessaires à l’accompagnement des jeunes.
Trop souvent négligée, la démarche de recherche et d’évaluation vise à assurer la qualité de la prestation de services du RSIJ et à l’améliorer, de même qu’à identifier les meilleures pratiques à diffuser à l’ensemble des RSIJ. Pour obtenir un portrait juste de la pertinence, de la mise en œuvre et du fonctionnement, la démarche d’évaluation doit être planifiée dès la création du RSIJ. Elle doit s’appuyer sur des données fiables et des indicateurs de mesure pertinents pour le RSIJ et sa spécificité locale. Cet exercice, lorsque mené avec rigueur et en collaboration avec tous les partenaires, contribue à l’essor des RSIJ et concourt à les pérenniser.
Mettre en place un protocole d’évaluation nationale pour :